jeudi 17 juin 2010

Dégagement de la coque


Le travail de désensablage se poursuit et nous avons procédé au retrait du film géotextile afin de découvrir la coque de l’épave désormais presque entièrement visible.


Retrait du film géotextile recouvrant l’épave
(Photos T. Seguin)


Le bois est en assez mauvais état du fait de l’action des tarets, mollusques marins xylophages, dont les galeries ont affaibli la solidité de la structure.


Vue des membrures et des bordages de l’épave dans sa partie sud (Photos T. Seguin)


Consécutivement à cette opération, les pièces de bois mal fixées ou libres ont été consolidées à l’aide de tiges ou de broches métalliques rigides enfoncées dans le bois. Le nettoyage de la surface de bois découvert, en cours, puis la fouille des parties encore enfouies nous permettront de procéder au relevé graphique de la quasi intégralité des structures de l’épave conservées en place.


Vue de la coque conservée sous les fragments de dolia
(Photos T. Seguin)


Le Libecciu, vent dominant en Corse, ne nous laisse malheureusement pas de répit. À la rencontre des vents et des courants, l’extrémité septentrionale du Cap est réputée pour avoir une mer souvent agitée. Un constat manifeste : sur 12 jours de campagne, nous n’avons pu travailler sur site que cinq jours et demi.

mardi 15 juin 2010

Dégagement de la cargaison


Malgré quelques difficultés d’ordre technique et météorologique, la fouille avance et l’équipe a profité des conditions relativement bonnes de ce week-end pour travailler.

Nous avons commencé à dégager le sédiment autour de la partie de coque découverte en 2009 et protégée depuis par un film géotextile afin de limiter la dégradation du bois. La couche superficielle de sable coquillé est retirée peu à peu jusqu’au sommet de la couche archéologique. Celle-ci est composée d’un sable coquillé plus fin contenant des fragments de concrétion corallifère mélangés à des fragments de dolia et d’amphores.


Fouille autour de la coque recouverte par un film géotextile
(Photo C. Pinelli)

Par ailleurs, nous avons installé un premier axe de référence d’une cinquantaine de mètres de longueur partant de la coque située à l’ouest et allant vers l’est du gisement, là où se situent les derniers dolia. Des sondages systématiques seront effectués le long et de part et d’autre de cet axe qui couvre l’ensemble des fragments épars de dolia visibles. Il nous paraît désormais évident que le site à été chaluté et que la cargaison en place de l’épave a été partiellement détruite et transportée vers l’est dans un sillon d’au moins cinquante mètres.


Doliulum entier le long de l’axe de référence (Photo C. Pinelli)

jeudi 10 juin 2010

Prise de contact avec le site. Deux premières journées de travaux sous marins... avant l'arrivée du mauvais temps


Les deux premières journées de travaux ont été consacrées au repérage et au balisage temporaire du site, à la numérotation des dolia ainsi qu’à l’estimation de sa superficie.

Repérage et balisage temporaire du site : c’est grâce aux informations et à la présence de l’équipe d’archéologues amateurs qui ont découvert et expertisé le site, respectivement en 2008 et 2009, que nous avons retrouvé l’épave rapidement. L’installation d’un balisage temporaire a été effectuée afin d’amarrer les support-surfaces qui assureront d’une part l’installation des bouteilles d’oxygène pour les paliers et d’autre part les moteurs des aspirateurs à sédiments.


Balisage du site (Photo M. El Amouri)

Numérotation des dolia : Lors de ces premières plongées de reconnaissance (que nous avons effectuées avant que la météo ne se gâte), nous avons cherché à comptabiliser le nombre de dolia présents sur le site. La mission 2009 s’était davantage intéressée au marquage des dolia complets. Il était par conséquent important d’évaluer le nombre total de ces conteneurs et d’avoir une idée plus précise de leur répartition sur le site. A partir de quatre points de référence, matérialisés autour de l’épave par l’implantation de « fer à béton », des circulaires ont été ainsi mises en place.


Premières plongées depuis le Nosy Be Too

(Photo Ch. Péron, DRASSM)

La numérotation choisie ne concerne que les fragments de dolium assez importants pour être considérés comme un seul individu afin de pouvoir estimer rapidement le nombre minimum de dolia (NMI, nombre minimum d’individu) que contenait ce navire. L’implantation de piquets de repérage au fond de l’eau a aussi été réalisée afin de matérialiser des points de référence qui serviront aux relevés de l’épave et de son chargement. Toutes ces opérations permettent également de circonscrire la superficie du site et de commencer à préparer les différentes aires de travaux que nous réaliserons durant la mission, tout en définissant leur priorité.



Le Nosy Bé Too


C’est sur le Nosy Bé Too, navire de 20 m, qu’une partie de l’équipe a fait la traversée de Marseille à Macinaggio, au Cap Corse. Après une première étape à l’Estaque, au DRASSM, pour embarquer une partie du matériel nécessaire à l’opération, la traversée, d’une trentaine d’heure, s’est déroulée dans de bonnes conditions. Le Nosy Bé Too, sous le patronage de son capitaine, Charles Arnulf, sera la base surface de l’opération archéologique sous-marine, Ouest Giraglia 2.

Le Nosy Bé Too à quai
au port de Macinaggio (photo M. El Amouri)

Le Nosy Bé Too aux couleurs de nos partenaires
(photo Y. Lecuyer)

mardi 8 juin 2010

La fouille archéologique sous-marine d’une épave romaine à dolia au Cap Corse : l’opération Ouest Giraglia 2

La fouille archéologique sous-marine de l’épave à dolia Ouest Giraglia 2 a lieu du 07 juin au 03 juillet au Cap Corse, à l’ouest de l’île de la Giraglia. La direction d’opération est assurée par Franca Cibecchini, du Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM), en collaboration avec Jean-Michel Minvielle, de la Fédération Française d’Études et de Sports Sous-Marins (FFESSM) et Sabrina Marlier (chercheur associé CCJ/CNRS) de l’association Arkaeos qui assure la mise en œuvre de l’opération. L’équipe associe ainsi des archéologues professionnels et une partie de bénévoles expérimentés ainsi que des professionnels de la plongée. Il s’agit d’une équipe pluridisciplinaire comprenant des archéologues spécialisés dans le commerce maritime, des spécialistes reconnus d’architecture navale, des spécialistes des études dendrologiques (détermination des essences de bois et datations dendrochronologiques) et de la conservation du matériel archéologique provenant de la mer.

L'île de la Giraglia, au Cap Corse
(Photo J.-M. Minvielle, FFESSM)



Découverte et premières interventions

Découverte par 34 m de fond et déclarée en 2008, l’épave Ouest Giraglia 2 a fait l’objet, en juin 2009, d’une opération de sondage dirigée par son inventeur, J.-M. Minvielle, assisté, pour l’étude archéologique, par M. Sciallano. Une expertise du site a également été effectuée en novembre 2009 par une équipe du DRASSM.
Ces premières interventions ont permis de révéler l’importance scientifique de cette épave et de motiver la mise en place d’une fouille programmée du site pour 2010.


Un des dolia de l'épave
(photo J.-M. Minvielle, FFESSM)


Nature et importance de l’épave

Le site correspond à une épave de bateau romain à dolia, soit un véritable "pinardier", qui transportait du vin en vrac dans de grosses jarres de 2 000 à 3 000 litres – les dolia – disposées à poste fixe au centre de la coque.

Bien qu’elle ait vraisemblablement souffert d’une activité de chalutage, l’épave a conservé au moins 3 dolia intacts, très peu d’amphores (des Dressel 2-4 de Tarraconaise) ainsi qu’une partie de sa coque en place.

L’intérêt de la fouille programmée en cours est justifié par l’importance de cette épave qui s’inscrit dans la série des épaves à dolia découvertes en Méditerranée nord-occidentale. Ces épaves correspondent à des navires spécialisés dans le transport du vin en vrac dont l’activité commerciale, principalement établie entre l’époque augustéenne et le Ie s. apr. J.-C., se situe entre l’Italie, l’Espagne et la Gaule.

Un des objectifs de la fouille est de déterminer l’extension du site, avec la répartition spatiale des dolia et des amphores. Il s’agira donc de déterminer le nombre exact de dolia et de doliola (dolia de plus petit module) et d’essayer de restituer leur mode de disposition au centre du bateau. L’étude portera également sur le matériel céramique, notamment les amphores, et peut-être le matériel de bord si les sondages qui seront effectués en permettent la mise au jour. La remontée d’un doliolum entier est également prévue.

L’autre objectif, qui représente l’intérêt principal de cette fouille, porte sur l’étude architecturale. Du point de vue architectural, ce type de transport pose en effet la question d’une spécificité de ces navires : étaient-ils conçus et construits spécialement pour le transport des dolia, impliquant ainsi une architecture navale particulière ou, au contraire, s'agissait-il de navires de commerce de type habituel simplement aménagés pour recevoir les dolia ? Ainsi, avec une coque conservée sur au moins 8 m de longueur et 3 m de largeur comprenant, encore en place, la quille, les premières virures de bordé et une vingtaine de varangues, l’épave Ouest Giraglia 2 offre l’opportunité unique de pouvoir apporter des réponses concrètes aux hypothèses formulées à propos de l’architecture de ces navires.

Franca Cibecchini, Sabrina Marlier et Jean-Michel Minvielle


L’équipe de fouille :
- La coordination et l’organisation de la fouille sont assurées par Franca Cibecchini (DRASSM, responsable du littoral Corse, docteur en histoire ancienne), en étroite collaboration avec Jean-Michel Minvielle (FFESSM) et Sabrina Marlier (Arkaeos, chercheur associé du CCJ).
- La responsabilité de tous les aspects techniques de l’opération et de la sécurité en plongée est confiée à Christian Péron (DRASSM, Responsable logistique, COH de la fouille).
- La coordination pour l’étude de la cargaison est assurée par Martine Sciallano (Conservateur du Musée municipal d’Histoire et d’Archéologie, Hyères), spécialiste du commerce maritime qui a participé à la campagne de sondages en 2009 sur le site et a été responsable de la fouille de l’épave Giraglia 1 (1994-1999).
- La coordination pour l’étude de la coque est confiée à Sabrina Marlier, docteur en archéologie navale antique et spécialiste des navires à dolia, qui a déjà assuré l’étude de la coque de l’épave Giraglia 1. Elle bénéficie du concours scientifique de Carlos de Juan (Itesub, Valencia, Espagne), archéologue naval reconnu sur le plan international, ainsi que de Pierre Poveda (doctorant à l’Université de Provence et allocataire de recherche au CCJ). La fouille bénéficiera également des compétences de Giulia Boetto (chargée de recherche au CCJ/CNRS).
- Le prélèvement des échantillons de bois et leur étude xylologique seront assurés par Sandra Greck (Arkaeos, chercheur associée de l’IMEP et du CCJ) tandis que les études dendrochronologiques seront confiées à Frédéric Guibal (IMEP).
- Des archéologues spécialisés en archéologie maritime avec une grande expérience du terrain, comme Mourad El Amouri (Arkaeos), viendront avantageusement compléter l’équipe d’archéologues.
- La médiation de la fouille sera assurée par Franca Cibecchini et David Djaoui (archéologue au Musée départemental Arles antique).
- Franck Allegrini-Simonetti (Ingénieur d’étude Collectivité Territorial de Corse) sera aussi présent sur la fouille (support scientifique à terre).
- La conservation préventive du mobilier prélevé est confiée à Lila Reboul, conservatrice (DRASSM, chargé de la gestion des collections).
- La couverture photographique de la fouille sera assurée par un photographe professionnel, Teddy Sequin, qui possède une grande expérience des chantiers de fouille archéologiques sous-marins. La prise d’images « scientifiques de travail » est également confiée à Franca Cibecchini et celles des images vidéo à Jean-Michel Minvielle.
- L’équipe des plongeurs expérimentés de la FFESSM est composée par Yves Lecuyer, médecin, titulaire du DUTAE (Techniques de l’Archéologie en Europe (Université de Picardie), en préparation du diplôme d’Université Jules Verne (Picardie) : Valorisation des Patrimoines en Europe ; Anne Curvale, infirmière et responsable de plusieurs opérations archéologiques ; Patrice Pitch, fonctionnaire territorial qui depuis 1978 a participé à plusieurs campagnes de fouille sous les directions, notamment, de Cl. Santa Maria, Jean-Marie Gassend et Michel L’Hour ; Jean-Pierre Coste, responsable départemental Haute Savoie (FFESSM) ; Sébastien Bachet, service des douanes. Ils apportent leur passion et tout leur savoir-faire à la bonne réussite de la fouille. Tous ces plongeurs fédéraux ont une expérience des fouilles sous-marines ou subaquatiques
- Charles Arnulf est le capitaine du bateau Nosy Be Too, servant de support-surface, assisté de Guy Puerto.


Quelques indications bibliographiques sur les navires à dolia :

Archaeonautica 2009, volume 15 (Éditions du CNRS, Paris) dans lequel se trouve un dossier sur les navires à dolia avec :
Sciallano, Marlier, L’épave à dolia de l’île de la Giraglia (Haute-Corse), p. 115-154.
Marlier, Architecture et espace de navigation des navires à dolia, p. 155-176.
Carre, Roman, Hypothèse de restitution d’un navire à dolia : la construction d’une maquette, p. 175-192.

Carre 1993, L’épave à dolia de Ladispoli (Étrurie méridionale), étude des vestiges de la coque, Archaeonautica, 11, p. 9-29.

Cibecchini F. 2010, Commerce : les voies maritimes, dans J. Cesari, Corse antique, guides archéologiques de la France, Éditions du patrimoine, Centre des Monuments Nationaux, p. 46-51.

Corsi-Sciallano M., Liou B. 1985, Les épaves de Tarraconaise à chargement d’amphores Dressel 2-4 (Archaeonautica, 5), Éditions du CNRS, Paris.

Hesnard A., Carre M.-B., Rival M. et alii 1988, L’épave romaine Grand Ribaud D (Archaeonautica, 8), Éditions du CNRS, Paris.

Hesnard A. 1997, Entrepôts et navires à dolia : l’invention du transport du vin en vrac, dans D. Garcia et D. Meeks (dir.), Actes du colloque International Techniques et économies antiques et médiévales « Le Temps de l’Innovation », Aix-en-Provence, mai 1996, Paris, p. 130-131.

Pallarés F. 1987, Il relitto di Diano Marina nel commercio vinicolo antico, dans El vi a l'Antiguitat, Economia, produccio i commerç al Mediterrani occidental, Actes 1 col.loqui d’arqueologia romana, Badalona, 28-30 novembre-1 desembre 1985, Badalone, Museu de Badalona (Monografies Badalonines, 9), p. 298-307.